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Winfried Engelbrecht-Bresges : « Nous pourrions bientôt doubler le nombre de courses internationales sur lesquelles on parierait à Hongkong »

25/04/2025

Comme avant chaque échéance internationale à Hong Kong, le pédégé du Hong Kong Jockey Club, Winfried Engelbrecht-Bresges, a convié une sélection de journalistes pour évoquer avec eux les projets de l’organisation qu’il dirige, lui qui est également à la tête de l’Asian Racing Conference (ARC) et de la Fédération internationale des autorités hippiques (FIAH). Parmi les sujets évoqués cette fois, on peut trouver l’émergence d’un tourisme hippique en provenance de Chine continentale, le projet d’une super-ligue des grands événements hippiques mondiaux, la concurrence des paris mutuels et des opérateurs à cote fixe, l’organisation prochaine de courses officielles en Chine et la stratégie du club pour pérenniser son activité…

PRESSE (six journalistes posaient leurs questions à Winfried Engebrecht-Bresges) : Comment se présente le FWD Champions Day ?

Winfried Engelbrecht-Bresges (WEB) : Il y a un indicateur clé de performance : pas de pluie ! Plus sérieusement, je pense que cela a clairement un impact sur l'affluence. J'ai vu des éditions avec du beau temps attirer environ 50 000 personnes. Selon la météo de ce week-end, on pourrait être à 35 000 ou 40 000 spectateurs. Et je pense que c'est le plus important pour l'atmosphère. Mais au-delà de ça, personnellement, je pense que c'est l'une des meilleures éditions du FWD Champions Day que nous ayons eue depuis longtemps. À mon avis, il faut toujours deux ou trois ans pour reconstruire un événement. Et le COVID a vraiment changé les habitudes de manière significative. Nous sommes donc ravis d'avoir des chevaux venus du monde entier et nous tenions particulièrement à avoir des chevaux australiens ici. Je pense qu'il existe une relation forte entre l'Australie et Hong Kong. Si vous regardez qui suit les courses de Hong Kong, le numéro un est probablement le Japon, et le numéro deux... c'est clairement l'Australie, avec le fuseau horaire et tout le reste, sans oublier les nombreux entraîneurs et jockeys australiens de haut niveau présents ici. Nous sommes vraiment ravis que Mr Brightside soit enfin arrivé à Hong Kong, et il semble beaucoup s'y plaire. Il est vraiment très beau. Nous avons un record de 14 concurrents internationaux de haut niveau, c'est extrêmement satisfaisant. Cet événement a le potentiel pour grandir encore. On observe de plus en plus de changements dans le calendrier international avec l'émergence de l'Arabie Saoudite, notamment, comme nouvel acteur. Je pense que vous verrez de nombreuses écuries modifier leur programme. Nous n'avons pas encore totalement convaincu Godolphin et Coolmore d'adopter pleinement cette réunion, mais c'est probablement le prochain objectif. Nous sommes extrêmement satisfaits, et avoir un cheval comme Goliath... je pense que c'est formidable. Et nous avons un propriétaire (M. Stewart) qui est manifestement très désireux de faire voyager ses chevaux – et si quelqu'un a vu la série Netflix qui a débuté cette semaine, il est clairement très motivé pour marquer le circuit mondial de son empreinte, et c'est une bonne chose. Donc, nous sommes extrêmement satisfaits. Et quand on compare à 2024 ou 2023, où nous avions 11 concurrents internationaux en 2024 et 8 en 2023, atteindre 14 est vraiment encourageant.

L'absence de Golden Sixty a probablement rendu les courses sur le mile à Hong Kong un peu plus attrayantes. Et l'absence cette année de Romantic Warrior a peut-être attiré quelques chevaux étrangers supplémentaires sur 2 000 m. Et si vous regardez les ratings internationaux : Ka Ying Rising 125, Voyage Bubble 120, Goliath 126, Liberty Island - qui me semble extrêmement bien, je la trouve mieux qu'à Dubaï - 117, Mr Brightside 120 et Satono Reve 119. Avoir des chevaux de cette catégorie est extrêmement important pour une réunion. Donc, de ce point de vue, nous pensons que c'est vraiment une Champions League.

 

PRESSE : Quelle est l'importance du tourisme hippique dans votre modèle actuel ?

WEB : Le tourisme hippique est devenu un sujet majeur. Depuis le discours politique de l'année dernière où le Chef de l'Exécutif de Hongkong a annoncé que le tourisme hippique était un moteur-clé pour le rayonnement international de la ville, nous avons constaté une augmentation massive du nombre de visiteurs. Nous allons bientôt atteindre la barre des 100 000 visiteurs cumulés sur la saison. C'est presque 30% de plus que l'an dernier et ça continue de croître. Pourtant, nous n'avons pas encore vraiment commencé à développer pleinement cela. Nous avons ici, à Sha Tin, un espace dédié aux touristes hippiques, mais nous aurons d'autres lieux disponibles à partir de l’automne. C'est donc l'un de nos axes stratégiques clés. Et nous visons clairement le tourisme international.

 

PRESSE : Quelle est votre stratégie ?

WEB : Nous voulons faire de ces grandes réunions de courses – les LONGINES HKIR en décembre, le FWD Champions Day, et certaines courses emblématiques de Hong Kong comme le BMW Derby – de véritables événements touristiques internationaux. Nous voulons positionner encore plus les courses de Hong Kong sur le plan du sports entertainment, où l'on ne vient pas seulement pour les courses, mais où l'on a l'opportunité de découvrir l'une des villes les plus internationales et dynamiques au monde. Nous annoncerons prochainement un partenariat avec une marque mondiale de divertissement pour renforcer encore toute la dimension entertainment de ce que nous faisons, pour créer de véritables festivals hippiques, des carnavals, où le cœur reste les courses de niveau mondial, mais où l'on trouve une gamme d'offres de divertissement autour. L'objectif est d'en faire des événements mondiaux avec une portée encore plus large que celle que nous avons actuellement.

 

PRESSE : Qu'en est-il du développement du World Pool ?

WEB : Le World Pool est assurément un développement clé que nous avons initié en 2018 avec Ascot, et il a grandi et continuera de grandir. Les trois courses internationales ici [FWD Champions Day] font partie de la marque World Pool et nous pensons que c'est clairement un axe de croissance supplémentaire que nous voulons explorer. Nous sommes très optimistes quant au fait que le gouvernement de Hong Kong nous accordera plus de créneaux pour les retransmissions en simulcasting, ce qui nous permettrait d'avoir plus de réunions World Pool. Nous serions capables, d'ici deux ans, de couvrir probablement la quasi-totalité des 100 meilleures courses du monde. C’est une bonne nouvelle non seulement pour nous, mais aussi pour de nombreuses juridictions où nous devons progresser. Les courses que nous pourrions intégrer nous permettraient de développer de manière encore plus globale une marque World Pool, une masse commune mondiale, qui débloquera de nouvelles sources de revenus pour l'industrie des courses.

 

PRESSE : Votre patience est parfois sollicitée dans l’avancement de ces dossiers…

WEB : Je connais les changements dans les courses. J'ai toujours une règle minimale de trois ans. La première année, vous plaidez votre cause. La deuxième année, peut-être que les gens écoutent. La troisième année, ils décident peut-être de le faire et la quatrième année, ils le mettent en œuvre. C'est un schéma classique. Même avec les entraîneurs, tout dans les courses prend normalement trois ans avant de voir des changements de comportement fondamentaux. Mais je suis convaincu sur le fait qu'il y a une vision positive du projet, de sa faculté à apporter des revenus supplémentaires pour une activité qui a besoin d’investir. Ce n'est pas que je veuille contrôler le monde, c'est que je veux créer quelque chose qui ait une grande valeur mondiale.

 

PRESSE : Les différences culturelles et réglementaires entre les juridictions peuvent-elles être un obstacle au développement des simulcastings internationaux ?

WEB : Oui, et c’est pourquoi je suis fondamentalement contre l'influence des règles sur la cravache sur les résultats des courses, par exemple. Je sais pourquoi les gens font cela, mais le problème fondamental, c’est la satisfaction des clients, que l'on va contrarier massivement avec des changements d’arrivée. Il faut distinguer les clients, les parieurs, et la manière dont vous voulez réglementer vos courses. Et si vous avez une opinion tranchée et que vous souhaitez appliquer des règles sur la cravache en changeant les résultats, vous n'avez pas à prendre la décision le jour même. Vous n'avez pas à le faire à la seconde. Parfois, cela tient à un président très fort qui a une certaine vision et peu de gens se soucient du client.

 

PRESSE : Vous défendez aussi la mise en place d’une sorte de circuit international lié au World Pool…

WEB : Il s'agit de savoir comment nous pouvons créer un sport mieux reconnu à l’échelle mondiale. Cela doit être combiné avec certains éléments de divertissement pour créer une marque, plus d'opportunités, de sorte que vous ayez soudainement des marques mondiales de "lifestyle" qui considéreraient les courses hippiques comme un investissement marketing valable. Certaines réunions s'inscriront dans un contexte mondial et elles peuvent permettre de commencer à construire une marque. Si vous aviez les huit meilleurs événements hippiques du monde connectés, peut-être alors que vous auriez accès à des investisseurs extérieurs, mais pour moi, cela doit croître de manière organique, plutôt que d'essayer de forcer quelque chose. Il faut obtenir un alignement philosophique de tous ceux qui sont prêts à travailler ensemble…

 

PRESSE : Les Emirates World Series avaient tenté cela, il y a une trentaine d’années. Mais ça n’a pas duré…

WEB : Je pense que cela a été initié par Sheikh Mohammed dont le but était surtout de promouvoir Dubaï. C'était artificiel, ça n'avait aucune substance. Tout le monde a pris l'argent, mais étaient-ils engagés dans le projet ? Non. Ils s'en fichaient. C'est pourquoi je pense que la philosophie, les valeurs, la vision doivent être partagées. Si vous n'avez pas cela, ne commencez pas. Peu importe le procédé liant les événements entre eux. C'est un événement médiatique, une plateforme qui touche un nouveau public mondial. La marque World Pool est secondaire, dans cette construction, qui ne doit pas d’abord être liée à une marque de paris. Vous devez créer une marque qui soit aspirationnelle concernant les courses hippiques en tant que sport et divertissement mondiaux. Viennent ensuite les sources de revenus sous-jacentes, comme le sponsoring, et il y a un aspect sous-jacent orienté consommateur pour les fans de paris purs et durs. Mais si vous commencez par des paris, vous limitez déjà votre réflexion sur la manière dont vous pouvez rayonner. Le plus gros problème des courses aujourd’hui, c’est une base de clients qui diminue, une base de clients qui vieillit, un manque de compréhension et d'intérêt pour le sport lui-même. Vous devez donc élargir votre entonnoir de fans de courses. Personnellement, je pense que la meilleure façon de l'élargir est d'adopter une perspective beaucoup plus mondiale qu'une simple perspective locale. Qu'est-ce qui crée de l'intérêt ? Quand des chevaux japonais viennent ici, cela crée un intérêt significatif ici. Si Romantic Warrior va au Japon, s'il va en Arabie Saoudite, ce sont ces histoires qui créent un intérêt beaucoup plus large et un potentiel pour construire une base de fans.

 

PRESSE : Il faut revenir au cheval ?

WEB : Oui. Ça revient à ça. C'est le cheval, notre produit. Une personne active dans le secteur mondial du divertissement m’a dit : « La clé, ce sont les chevaux et l'amour des chevaux, la beauté des chevaux. Raconter l'histoire, regarder la dynamique, l'énergie, le lien entre les chevaux et les êtres humains. Vous devez vraiment revenir en arrière et raconter beaucoup plus l'histoire des chevaux que d'essayer seulement de vendre un produit clairement lié aux paris. » La connexion émotionnelle est la clé pour créer une grande marque.

 

PRESSE : Avez-vous eu des discussions avec d'autres dirigeants des courses à ce sujet ?

WEB : Oui, c'est un travail en cours. Mais j'ai probablement maintenant une réaction beaucoup plus positive qu'il y a deux ou trois ans quand j'ai lancé l'idée pour la première fois. Les gens espéraient que le sauveur du monde viendrait d'Arabie Saoudite ou d'ailleurs. Un chèque de 20 millions et tout est résolu. C’est plus complexe que ça. Si vous regardez la plupart des propriétaires, pourquoi font-ils cela... Certains le font pour l'élevage, d'autres pour l'exposition. Et si vous créez soudainement une aspiration, une marque qui vous donne une exposition beaucoup plus mondiale – John Stewart (Américain, co-propriétaire de Goliath) en est un exemple classique – vous aurez plus de nouvelles personnes qui ne viennent peut-être pas autant du côté de l'élevage. Et quand vous regardez le côté élevage, beaucoup des anciens éleveurs n'existeront plus dans dix ans. Le sport doit donc se préparer à un changement. Si nous n'élargissons pas notre base de fans mondialement, si nous ne touchons pas notre base de fans existante, nous deviendrons anachroniques.

 

PRESSE : Peut-on imaginer que les innovations technologiques comme celles que nous avons pu voir à Happy Valley soient un jour disponibles pour toutes les juridictions participant à cette « super ligue » que vous évoquez ?

WEB : Cela pourrait être l'un des enjeux. Pour moi, ce que vous avez vu est encore un prototype. Je pense qu'il faudra encore environ un an avant d'arriver à ce que je vise vraiment. Mais si nous collaborons et créons cette offre ou plateforme mondiale, cela pourrait effectivement devenir un produit disponible dans ce cadre.

 

PRESSE : Une sorte de package partagé ?

WEB : Exactement. Si nous voulons atteindre ce niveau – et ce sera une stratégie sur trois ans, avec des étapes chaque année – il faut créer un produit. Un vrai produit. Pas un simple assemblage hétéroclite. C'est ainsi que l'on crée une marque. Beaucoup de gens ne comprennent pas ce qu'est une « marque ». Une marque, c'est d'abord : quel est votre produit ? Quelle est votre expérience ? Ce n'est pas juste le logo. C'est une compréhension profonde de l'approche centrée sur le client. Il s'agit de définir l'expérience de marque, le produit, et de créer quelque chose que les clients attendent et apprécient. Je serais toutefois prudent quant à une vision trop large au départ. Certes, ce serait une vision à très long terme, mais les autres marchés sportifs sont encore plus complexes. Personnellement, je pense que nous devrions commencer par notre défi majeur actuel, notre priorité absolue : les courses elles-mêmes.

 

PRESSE : Le recrutement de propriétaires a-t-il rebondi ?

WEB : Pratiquement sur tous les plans, nous enregistrons une augmentation de 12 % des demandes pour devenir propriétaire, ce qui est positif. Espérons que dans six mois, les gens ne se diront pas soudainement : "Ah, peut-être que je vais attendre." C'est donc un point que nous ne pouvons pas prédire actuellement. L'intérêt pour les courses et le propriétariat, après la période difficile du COVID, a bien rebondi. Nous avons réussi en un an à retrouver cette dynamique. Et nous comptons investir davantage dans l'expérience client. Vous voyez ce que nous avons fait ici [à Sha Tin/Happy Valley]. Vous verrez que nous avons dépensé 7 milliards de dollars de Hong Kong [environ 830 millions d'euros au taux actuel] pour notre plan directeur. Et le 26 octobre [2026], vous verrez que nous aurons créé une expérience de course complètement nouvelle et différente, sans paris, à Conghua.

 

PRESSE : Quelle est la capacité actuelle et future de Conghua ?

WEB : Nous pourrions théoriquement faire passer notre effectif de 1 400 à 2 000 chevaux.

 

PRESSE : Le 26 octobre 2026, vous organisez la première d’une série de réunions officielles sur l’hippodrome de Conghua, en Chine continentale. En quoi ces réunions différeront-elles de la journée d'exhibition à laquelle nous avons assisté il y a deux ans ?

WEB : La réunion précédente était davantage destinée aux initiés. C'est la première fois que nous nous adressons à un public beaucoup plus large pour connecter les courses en tant que sport en Chine continentale aux consommateurs, et non comme un simple produit de pari. Nous allons commencer avec quatre réunions de courses régulières [par an] et nous introduirons autre chose, que je décrirai plus tard, probablement dans six mois, avec d'autres activités liées aux chevaux et aux courses à Conghua. Conghua doit devenir une destination. Ce n'est pas seulement pour quatre réunions de courses. La tribune est absolument iconique. Ce sera une attraction touristique dans la région de Conghua. Et tout tournera autour des chevaux, en particulier des pur-sang.

 

PRESSE : Vous disiez que c'était la première fois que vous vous adressiez à ce public [en Chine continentale]. Quelle est la difficulté pour évaluer son appétit ?

WEB : Il faut comprendre ce qu'il veut, pas ce que je veux lui vendre. Nous avons donc mené une étude approfondie. Nous disposons de très bonnes données provenant de nos clients de Chine continentale qui viennent assister aux courses ici, à Hong Kong. Mais le produit que nous proposons à Conghua est différent, compte tenu des défis spécifiques de cette expérience. Et nous apprendrons. Le problème est que la première tentative ne sera pas parfaite. Mais nous aurons un avantage : chaque personne qui viendra sera connectée à nous. Nous pourrons donc comprendre ce qu'elle veut, interagir avec elle, puis essayer d'améliorer, de comprendre. C'est un développement de produit permanent.