Hong Kong Turf Retour

Winfried Engelbrecht-Bresges : « Nous devons faire plus pour ne pas être seulement considérés comme une simple source de revenus »

08/01/2024
John Lee, Président de la région de Hongkong, remet un trophée lors de la réunion qui est dédiée à Sha Tin, le jour de l'ouverture de la saison. 2021-2022.

John Lee, Président de la région de Hongkong, remet un trophée lors de la réunion qui est dédiée à Sha Tin, le jour de l'ouverture de la saison. 2021-2022.

D’Après Sam Agars, South China Morning Post

Le patron de Hongkong, John Lee Ka-chiu a remis dimanche le trophée de l'Open de tennis de Hongkong au vainqueur Andrey Rublev. Il a profité de l’événement pour saluer le retour d’un « événement sportif de classe mondiale » dans le calendrier local. Sa juridiction n’avait pas accueilli d’épreuve du circuit ATP depuis 2002.

Pour anodine qu’elle puisse sembler, l’anecdote a néanmoins motivé une réaction du directeur général du Hong Kong Jockey Club (HKJC), Winfried Engelbrecht-Bresges, qui a déclaré sur Facebook : « Le Gouvernement de Hongkong célèbre volontiers le tournoi de rugby à sept, le tournoi ATP et le golf. J’aimerais qu'il soutienne aussi dans ses déclarations une réunion hippique internationale à laquelle ont assisté 65 000 spectateurs, diffusée dans 26 pays. Quand vous réunissez les meilleurs chevaux et les meilleurs jockeys du monde, il n’est plus seulement question de jeu d’argent. Quelle autre juridiction peut se targuer de compter trois des dix meilleurs chevaux du monde dans une population totale de 1 200 chevaux ? Il n'est plus seulement question de jeu, mais aussi de sport. Sans doute devons-nous en faire davantage pour que notre Gouvernement ne considère plus l’hippisme de Hongkong comme une simple source de revenus. »

Précisons que John Lee Ka-chiu a manqué deux événements-clés de la saison hippique : il n'a pas pu assister à la HKSAR Chief Executive Cup, qui lui est dédiée le jour de l'ouverture, en raison des pluies torrentielles qui s’étaient abattues sur la cité, tandis que la réunion internationale Longines du 10 décembre tombait le même jour que les élections locales. Toutefois, il semblerait qu'Engelbrecht-Bresges estime que le grand jour de l’hippisme à Hongkong ne reçoive pas toute l’attention qu'il mérite.

Le Hong Kong Jockey Club est pourtant le plus gros contribuable du budget local. Il a réinjecté 35,9 milliards de dollars HK dans la communauté la saison dernière, soit 3,35 milliards d’euros, dont 855m€ en seuls dons au-delà de la contribution sur les paris et les revenus. Il paye en plus 12 milliards de dollars HK (1,4 milliard d’euros) en droits spéciaux sur les paris sur le football, sur cinq ans.

Par ailleurs, l'année dernière, pas moins de 60 associations sportives ont reçu l'ordre d'inclure le mot « Chine » dans leur nom ou de risquer de perdre leur financement…

« Nous accueillons un public toujours plus jeune, a remarqué le pédégé du Hong Kong Jockey Club. Il suffit d’observer le rond de présentation pour constater ce rajeunissement jusque dans les rangs de nos propriétaires et de leurs invités. Nous recevons de très bons commentaires de visiteurs de Chine continentale, qui nous disent que ce que nous faisons est unique (il n’y a pratiquement pas de courses hippiques en Chine Continentale, ndt) et que c'est une des destinations prioritaires pour beaucoup de touristes chinois. Dans le domaine des divertissements du soir, les nocturnes de Happy Valley font probablement partie des animations les plus durables du catalogue de Hongkong ! Nous devrions sans doute essayer de montrer un peu plus ce que nous faisons pour Hongkong, et tout ce que nous pouvons faire pour notre ville. »

Winfried Engelbrecht-Bresges a raison sur le fond, naturellement. En France, il va de soi depuis longtemps que les courses hippiques sont un jeu d’argent bien avant d’être considérées comme une activité sportive. Certes, le pari a fait une entrée fracassante dans le monde du sport en général depuis la création du loto sportif et l’ouverture du marché des jeux en ligne, mais le distinguo français est antérieur à ce développement. Il date probablement de la 2e Guerre Mondiale, et de la continuité des courses pendant l’Occupation (alors qu’elles avaient été interrompues spontanément pendant la 1re Guerre Mondiale sans que le pays eut été envahi), puis de l’avènement du tiercé en 1954, qui était déjà un remède du PMU destiné à améliorer les finances chancelantes des sociétés de courses. L’hippisme a disparu des rédactions puis des rubriques sportives depuis les années 80. Cette tendance aurait dû être prise en compte il y a très longtemps car de 1990 à nos jours, le pourcentage de Français ayant parié au moins une fois sur les courses hippiques dans l’année est passé de 13% à 6%, peut-être moins. La perte culturelle se chiffre également aujourd’hui en perte financière.

C’est un combat de longue haleine pour le Hong Kong Jockey Club, qui est à 12 ans près aussi ancien que la Société d’Encouragement créée par le Jockey Club en France en 1834, mais dont l’entrée dans l’élite des organisateurs de courses est beaucoup plus récent. Le renouveau de la Chine aussi est récent, mais comment les Chinois du Continent, et en premier lieu Pékin, perçoivent-ils une activité comme l’hippisme aujourd’hui ?

La réaction de Winfried Engelbrecht-Bresges semble indiquer que leur perception n’est pas très éloignée de celle du public français et de nos gouvernants qui, s’ils se mettraient à soutenir publiquement les courses hippiques, seraient sans doute accuser de soutenir un jeu d’argent considéré comme immoral sur l’intégralité du spectre politique français.

Cela n’a pas que des défauts : si les courses hippiques ne rapportaient pas autant au budget, quelles sont les chances qu'elles aient pu continuer pendant la Covid ? Un club de boulistes, même talentueux, n'aurait pu obtenir une telle dérogation...